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Le Nègre qui riait et qui dansait

L' AVANT SCENE théâtre N° 870

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Les blancs du continent ont besoin de sucre et de café, de tabac, or comme pour récolter tout cela, la main d'oeuvre blanche est inapte à supporter le climat, il faut des gens du cru et une fois achetés, les noirs feront l'affaire ! 

Un vieil africain va raconter cela à cet adolescent pour que ce dernier sache ce qui s'est passé, afin que la mémoire de ces temps maudits ne se perde pas. 

Il va donc lui raconter l'histoire du nègre qui riait et qui dansait. 

Il s'appelait Samba était jeune fort et beau, sa compagne, sa splendide amoureuse avait pour nom Lilia, ils étaient gais, libres et insouciants, jusqu'au jour où Louango, cet africain vêtu à l'européenne, les a vendus afin qu'ils soient réduits en esclavage. Eux et quelques autres ont été capturés, enchaînés, marqués au fer rouge, c'est ce que l'on nommait le trafic de bois d'ébène, cette main d'oeuvre bon marché sur laquelle les colons avaient droit de vie et de mort. 

Le vieil africain insiste pour raconter cela au jeune garçon noir insouciant, incapable d'imaginer ce qui s'était passé. Qui le pourrait du reste ? 

Vous êtes des sauvages disait le capitaine négrier avant de les conduire, aux futurs acheteurs, les planteurs qui avaient besoin de bras.

A l'issue de la vente, l'armateur satisfait fera cadeau de Lilia au capitaine et elle disparaîtra du regard de Samba devenu esclave à vie pour lequel la mort est devenue la seule perspective de délivrance. Il faudra que beaucoup de temps s'écoule, pour que l'abolition de l'esclavage ait lieu, peu à peu, pays par pays, jusqu'à ce que la déclaration universelle des droits de l'homme mette un point final à cette ignominie.

La distribution est nombreuse et mixte de préférence ... Des représentations eurent lieu à Dakar et à Gorée et ne serait-ce qu'en lisant le texte, on imagine aisément l'émotion que le public a dû ressentir à son écoute. 

Cette pièce tombe à point nommé car l'époque actuelle a inventé une autre forme d'esclavage, plus subtil puisque consenti. Les colons ne vont plus obligatoirement sur les terres africaines, la main d'oeuvre se déplaçant de son plein gré en Europe et sans doute faudra t-il encore quelques générations pour que la référence pianistique : une blanche vaut deux noires ne trouve plus son application simplificatrice.

 

ENTRETIEN avec l'AUTEUR,

 

S.A. - Dénoncer ce que fut le colonialisme, d'autres l'ont fait avant vous. Quelle fut en écrivant cette pièce votre motivation profonde ?

 

R.P - Là encore il s'agit d'une commande et cette fois du Conseil Général de l'Hérault initiée par Odette Michel animatrice du Printemps des comédiens et qui intervenait dans de nombreux établissements scolaires du département. J'avais préalablement à cette commande écrit en 1988 le scénario et les dialogues d'un docu-fiction de 52mn réalisé par Pierre Pommier pour la 7 et la 3 et qui évoquait le commerce triangulaire de la traite.  Ce docu-fiction a pour titre " Le voyage sans retour " - Triangulaire cela voulait dire départ des bateaux d'armateurs français de Nantes ou de Bordeaux vers Dakar prise en charge des noirs capturés à l'île de Gorée, lesquels avaient été vendus par quelques puissants de leur pays avant d'être dirigés vers les Antilles où ils étaient achetés par des planteurs de canne à sucre qui les réduisaient à l'esclavage toute leur vie. J'ai repris ce scénario je l'ai transformé en fresque historique et tragique. Ma motivation était celle-ci : j'ai une image de mon pays formée dans mon esprit par des grandes voix comme celle de l'abbé Grégoire, de Victor Hugo et des grands humanistes en un mot. Donc, j'ai toujours été anti-colonialiste et la traite est pour moi un scandale qu'on ne cessera jamais assez de dénoncer. Sous d'autres formes elle existe encore aujourd'hui.

 

S.A. - Spike Lee a tourné des films, persuadé que les blancs ne peuvent parler du problème noir , ne l'ayant pas vécu de l'intérieur. Quelles sont vos objections à cela ?

 

R.P.- Votre question ne me surprend pas. D'ailleurs, lorsque la pièce a été présentée à Dakar et au Cameroun d'aucuns se sont étonnés que ce soit un blanc qui l'ait écrite. Selon moi tout écrivain a le droit de s'exprimer même sur un sujet qui n'est pas de son pays ou de sa race dès lors où il le porte en lui en toute sincérité et quand il s'agit d'un sujet universel. 

 

S.A.- Avez-vous assisté aux représentations en Afrique et quels sont ces " chocolats littéraires " qui se déroulèrent dans l'Hérault ?

 

R.P. - Non, je n'ai pas assisté hélas, aux représentations africaines autrement que par le biais d'une vidéo. Quant aux " Chocolats littéraires "  il s'agit d'une manifestation organisée par cette même Odette Michel; la pièce jouée par des adolescents a été donnée dans différentes villes de l'Hérault au cours d'une tournée que j'ai accompagnée et à l'île de Gorée ce sont des adolescents sénégalais qui l'ont représentée mais je n'étais pas du voyage. 

 

 

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