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La brise-l'âme

L' Harmattan, Théâtre des 5 continents, 2006

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Deux femmes venues d'ailleurs ... à une époque indéfinie, attendent le retour d'un homme. Pour l'une c'est le fils et pour l'autre l'époux. Elles ont joint leur solitude et partagent le même domicile mais également travaillent ensemble - côte à côte - face au même engin de torture, dans une usine où règne ce que l'auteur nomme " le fascisme ordinaire " 

Là, un petit chef nommé ironiquement : Galonard, va - par des sévices - se rembourser de sa médiocrité, lui dont le seul sens de la vie est le sens de l'échelle.

Le fait hélas n'est pas exceptionnel puisqu'il y a des millions de galonards de part le monde. Le vocabulaire qu'il emploie est trivial et plus qu'à la limite du salace. 

Il use et abuse de cette autorité qu'il croit légitime face à ces deux femmes sans défense. La présence quasi permanente de l'une à côté de l'autre étant le seul obstacle à ses desseins, il va donc chercher à les séparer. Une atmosphère pesante, presque nauséeuse est engendrée par cette situation à valeur d'impasse.

Kaline trouvera la porte de sortie tandis que Lana n'aura plus que l'attente de Vic, son fils pour tenir bon en dépit de tout.

L'auteur a voulu attirer notre attention sur ces destins bloqués, confisqués, vécus par  ces transfuges qui, privés de leurs racines brisent leur âme à exercer un métier inintéressant en un pays qui n'est pas le leur, victimes de ce nouveau colonialisme plus pervers que le premier puisque les bourreaux l' exercent en toute impunité, chez eux, sous la protection des lois.

Cette pièce qui est le premier volet de son théâtre social intrigue et dérange ...

Quand on interroge l'auteur sur ses motivations il finit par déclarer qu' il n'a jamais eu qu'un seul adversaire, le grand patronat ajoutant de façon imagée :  " car il (me) défèque sur le monde ... " 

Or l'action se situait avant la mondialisation puisqu'elle fut écrite durant l'hiver 1974-1975 époque à laquelle certains n'avaient pas encore fait leurs preuves, du moins pas complètement.

 

INTERVIEW de L' AUTEUR -

 

 S.A. - Robert Poudérou, en choisissant ce thème est-ce que vous ne vous retrouviez pas sur le terrain de chasse favori de Calaferte ? (la poésie en plus) En êtes-vous conscient ?

 

R.P.  - J'ai beaucoup d'estime et même d'admiration pour Louis Calaferte mais je ne crois pas avoir subi son influence. La brise-l'âme a été écrite en 1975, trois ans après les aventures de Balu (diffusées sur France-Culture) qui était une sorte de conte pour les adultes, évoquant sur un ton  personnel (cela a été dit et écrit) les thèmes que j'allais développer dans d'autres pièces et notamment La brise-l'âme. Dans Balu, il était déjà question de l'immigration, du pouvoir, de la manipulation au travail, de l'argent. Dans La brise-l'âme il y a effectivement des éclats poétiques dans les dialogues des deux femmes quand elles sont dans leur logis et qu'elles s'enfièvrent au souvenir de l'homme qui les a quittées. Mais tout le reste est exprimé dans un langage sombre, âpre, trivial comme vous l'écrivez et qui nous fait entrer "  au coeur de la plus haute solitude.

 

S.A. - Vous semblez prêter beaucoup d'importance aux didascalies dans votre théâtre, est-ce que je me trompe ? ...

 

R.P. - Je ne crois pas qu'il y en ait tant que cela dans La brise-l'âme, dans mon théâtre d'une façon générale, lorsqu'elles sont présentes, c'est qu'elles m'ont parues nécessaires et précises.Je ne crois pas qu'elles soient une gêne pour les metteurs-en-scène. De toutes façons, ils ne les lisent pas, c'est ce qu'ils disent en tout cas.

 

S.A. -  Je reste persuadée que vous avez voulu écrire une comédie sociale. Or si l'on se penche plus avant sur la pièce, c'est en réalité une tragi-comédie. Etes-vous d'accord avec cette perception ? 

 

R.P. - Comédie sociale ou tragi-comédie ? … A la création au Théâtre de l'Oeuvre en 1978, on l'a présentée simplement comme une comédie dramatique. La limiter à une comédie sociale pouvait supposer qu'il s'agissait d'un traitement du thème dans le cadre du " réalisme social " et qu'il y avait tentation d'une démonstration;  or, je montre seulement ce qui est. Il y a des sentiments, l'ambiguité des personnages (ils ne sont pas manichéens) et ainsi nous avons une comédie dramatique portée parfois par l'angoisse des deux femmes jusqu'aux limites du fantastique. Et puis, il y a l'aliénation qui est une tragédie. Alors, tragi-comédie ? Oui, pourquoi pas. 

 

 

 

 

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