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THEATRE - Page 4

  • Ecoute, c'est la vie

    Par le choix du titre, l'auteur semble vouloir nous dire,

    - " c'est ainsi, on ne peut pas juger."

    Qui est donc cette Marie, bonne mère, épouse aimante, trop aimante presque, puisque à force de s'occuper des autres, son " homme " n'est jamais là.

    Plus camériste que bonniche, elle s'occupe d'une ancienne gloire de la chanson dont elle promène aussi le chien. Ce qui lui permet de faire des rencontres …

    Elle appartient à cette catégorie d'êtres que rien ne salit, où qu'ils aillent, quoiqu'ils fassent.

    Peut-être est-ce l'apanage de l'amoralité ? Son coeur appartient à Joseph mais elle prête son corps moyennant quelques billets qu'elle enfouira prestement dans son décolleté sans que son esprit se pose de questions … tant le terme tromperie semble lui être étranger.

    En un subtil phénomène de compensation, elle abandonnera un temps Joseph à Madame dont l'époque des conquêtes est révolue pour s'apercevoir ensuite que la jalousie n'est pas seulement faite pour les autres.

    N'est pas Merteuil qui veut ! 

    Etrange personnage à la complexité réputée féminine, qui se laisse porter par la vague. 

    On pourrait expliquer semblable comportement par un trop plein d'énergie, une insatiabilité physique or quand son corps en tutoie provisoirement un autre, parier qu'elle ne compte pas les motifs de la tapisserie serait risqué.

    En dehors de Joseph, ce n'est visiblement pas pour le plaisir. Alors quoi ? " Dieu, que la femme me reste obscure "  dirait …

     

    QUESTIONS à l'AUTEUR,

     

    S.A.  Robert Poudérou, le monologue n'est pas la forme d'expression que je préfère, vous le savez mais il me faut toutefois reconnaître que c'est sans doute la démarche qui met le plus à contribution l'imagination du spectateur.Ici, Marie nous fait voir les personnages qu'elle évoque et je me suis demandé si la clé de l'énigme ne résidait pas tout simplement dans le titre. 

    L'expérience de cette femme est-ce, quelque chose à quoi vous avez assisté ou que vous avez entendu ?

     

    R.P. - En fait, il ne s'agit pas d'un monologue mais d'une pièce à un personnage. Marie ne m'a pas été inspirée par une personne que j'ai connue. En ce qui concerne le titre il rend un peu du fatalisme, de la résignation. Mais sans illusions et malgré ses difficultés matérielles et affectives, Marie a du courage pour chaque jour, puisé dans son coeur généreux.

     

    S.A. - Quand on voit la comédienne sur scène, qu'on l'écoute on ne doute pas une seconde que tout cela ait pu arriver à son personnage. En revanche la lecture ouvre la voie à d'autres perspectives … Hypothèse : et si Marie, seule avec elle-même, se racontait tout cela au lieu de nous le raconter ? Cette perspective a t-elle été envisagée par vous au moment de l'écriture ?

     

    R.P. - Marie peuple sa chambre de paroles, de dialogues fous, de personnages dont nous ne saurons peut-être jamais s'ils existent, s'ils entrent et sortent ou s'ils sont les créations de son imagination, de son besoin de communiquer, d'échanger, de s'expliquer, de se connaître. Il y a là je sais, une énorme ambiguité et c'est pour cela que j'ai toujours demandé de laisser au spectateur le choix face à cette ambiguité entre un réalisme total à l'impudicité parfois gênante et un onirisme de défoulement où les dialogues ne sont peut-être qu'une longue conversation de Marie avec ses doubles.

     

    S.A. -  Restons dans la perspective où tout cela a réellement existé. On ne voit alors qu'une femme qui nous narre son vécu et une fois de plus nous sommes confrontés à deux solitudes féminines vécues à des âges différents.  Dans le cas où tout a été inventé par Marie, cette chanteuse à la retraite, n'est-ce pas ce que Marie redoute de devenir ? (le chant en moins) -

     

    R.P. - Il y a peut-être réellement une chanteuse âgée et seule au dessus de chez Marie. C'est le sentiment d'abandon que Marie a en elle et sans doute la peur de la vieillesse qui sont exprimées. 

     

    S.A. - Cette fois, c'est un drame mais raconté gaiement.

     R.P. - Oui, raconté parfois gaiement. 

     

     

     

  • Un oiseau de passage

     

    Deux femmes, deux amies de longue date qui peuvent en certaines circonstances devenir deux rivales ... Entre elles, un homme va s'immiscer et leur permettre (peut-être) d'y voir plus clair ? 

     Si l'on se réfère aux critères en vigueur, Maria est censée être celle qui a le plus d'expérience bien que cette dernière ne puisse se mesurer au nombre d'années. Disons que la dame est théoriquement à la moitié de sa vie, période où l'on commence à regarder en arrière et à se poser des questions ... Par ailleurs, il y a implicitement  - m'a t-il semblé, du Petra von Kant (Fassbinder) dans cette Maria là ! 

     Rachel (sa cadette) est plus fébrile, beaucoup moins stable mais possède à ce titre la fantaisie qui fait peut-être défaut à l'autre ? Ces deux femmes se complètent  parfaitement et considèrent que depuis le temps, leur destin est lié. 

     Daniel va donc jouer un peu les éléphants dans un magasin de porcelaine qui ici aurait les proportions d'une maison de poupées. Mais ne s'agit-il pas d'une maladresse feinte ? 

     Les non-dits ont ici une importance au moins équivalente à ce que nous entendons, voire plus ...

     

    RENCONTRE AVEC L' AUTEUR,

     

    S.A. - Vous, qui plus que tous explorez des univers différents, il n'est pas rare que vous mettiez face à face deux femmes. Quelle est en cette démarche réitérée votre motivation ?

    R.P. - Les rapports affectifs de deux femmes dans une sorte de huis-clos (un modeste logis dans La brise-l'âme et le salon cossu d'Un oiseau de passage) constituent un thème récurrent que l'on retrouve dans les deux pièces suscitées. Mais de là à dire qu'il revient souvent dans mon théâtre, ce n'est pas mon impression. Il n'apparaît pas vraiment en tout cas jamais aussi nettement présent dans toutes les autres pièces qui ont été représentées. Ce qui est vraiment récurrent dans mes comédies des années 70-80 c'est le climat, le ton et les caractères des personnages. Il en est ainsi dans La Petite Mécanique écrite en 1974 et Un Oiseau de Passage en 1980. Ces deux pièces ont bien des points communs. Dans la seconde, le personnage de Daniel qui déclare " n'exister que par la représentation qu'il se donne " rappelle souvent celui de Jérome dans la première. Jérome avec Trottie et Daniel avec Maria et Rachel vivent un jeu dense et subtil où chacun prêt à donner ou à recevoir a peur de perdre quelque chose. Ils évoluent tous dans une succession d'états de tension-négociation. Ils négocient en effet, leurs histoires, leurs rêves, leurs désirs en usant plus ou moins des composantes du marivaudage à savoir : la proposition ambiguë, le point énigmatique, l'allusion parfois trouble et même cruelle, la dérobade et des glissements furtifs vers la tendresse et l'amour. 

     

    S.A. - Il y a dans cette pièce, des relations très fortes entre les deux femmes. Pensez-vous qu'une tendre amitié puisse durablement suppléer à l'amour ? 

     

    R.P. - J'ai écrit dans Un Pavé dans les Nuages : " la tendresse c'est la victoire de l'amour sur le temps " Avec Maria et Rachel sommes nous dans l'amour ? On est plutôt selon moi, dans une amitié passionnée, possessive et parfois ambiguë. La tendresse ne remplace pas l'amour, elle est si je puis dire d'un étage inférieur ( au 6ème Ciel ) La tendresse qui est durable reste souvent imprégnée des moments les meilleurs de l'amour vécu mais fragilisé par le temps qui passe.

    S.A. - La pièce n'est pas encore éditée ? … Projet en cours ? …

    R.P. - Pas encore mais il n'est pas exclu qu'elle le soit en 2012.

     

    Quelqu'un ou un Oiseau de Passage a été représenté au Lucernaire pendant l'été 1981 et a fait l'objet d'une dramatique sur Aligre FM en 2002.

  • Un pavé dans les nuages

    L'Harmattan, Théâtre des 5 continents, 2004

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    1847-1848 : échanges amoureux sur fond de bouleversements politiques et sociaux.

    La pièce commence à Paris, dans la demeure de Bertrand Pamphile où Minna la servante, fait le ménage en chantonnant quand son amoureux Baptiste arrive. C'est un ouvrier typographe venu apporter les épreuves des derniers poèmes écrit par le maître des lieux. Très rapidement nous comprenons qu'en cette période de la Monarchie de Juillet, le climat est à l'engagement politique et Baptiste ne s'en cache pas, bien au contraire et ce, bien qu'il ait eu quelques problèmes dus à ses opinions dans le passé. 

    Arrivée de Christophe Cléon ami et protégé de Bertrand chez lequel il vit. Les deux hommes parlent aventure, c'est à dire femmes, conquêtes passées et à venir ... surtout pour Bertrand ! Christophe quant à lui est un hédoniste qui ne pense qu'à manger, boire et réaliser des clichés féminins, si possible dénudés.

    Du reste un petit atelier de photographe a été installé spécialement pour lui dans le lieu.

    La nouvelle perspective de conquête pour Bertrand se nomme Isabelle " brune piquante, l'air vif et parfois fripon. " Précisément, elle sera là demain.

    C'est alors que survient l'abbé de Marsille oncle du précédent avec bien entendu, un projet de mariage pour son neveu. Il sera question d'une dénommée Corinne Bridoux dont le père est dans la banque, les assurances aussi, bref le beau-père idéal pour un jeune homme qui voudrait se caser et ne plus rien redouter du lendemain. 

    La présence de Christophe est très mal vue par l'abbé à cause de ses opinions mais pas seulement ...   Après quelques péripéties, l'écclésiastique repartira avec un peu de volaille et une bouteille de vin. 

    Or il se trouve que la dénommée Isabelle et Minna furent des amies d'enfance, les retrouvailles ont donc lieu dans l'allégresse et l'oubli de leur classe sociale respective. Une idylle va s'ébaucher bien entendu entre Isabelle et Bertrand sous l'oeil amusé et quelque peu envieux de Christophe quasi omniprésent. 

    Ce dernier tentera alors sa chance et incroyablement parviendra a ses fins. 

    Quant à la dénommée Corinne, elle sera deux fois de suite évincée, car il est notoire que ceux ou celles qui veulent à tout prix se caser y parviennent difficilement. 

    Un peu déçu par la trahison de son ami, Bertrand restera seul, s'engagera politiquement pour oublier et sera victime des émeutes de 1848.

     

    ENTRETIEN avec l'AUTEUR, 

     

    S.A - Dans quelles circonstances, cette pièce fut-elle écrite ?

     

    R.P - Au début, il y a un conte en vers libres de Choderlos de Laclos que j'ai lu en 1969 et dont je gardais le souvenir. C'était l'histoire sentimentale d'une jeune fille entre deux jeunes hommes. J'ai tourné autour de ce sujet dont la minceur ne méritait pas une pièce. J'étais en 1976 à peine sorti de l'écriture de La brise l'âme diffusée cette année là dans le cadre du nouveau répertoire dramatique de Lucien Attoun sur France-Culture et j'avais la pensée au coeur de l'histoire des conflits sociaux. Nous étions alors sous le règne de Giscard d'Estaing et de son économiste dit le meilleur de France, Raymond Barre. J'ai assez rapidement fait un parallèle entre notre époque et celle de Louis Philippe et de Guizot avec leur fameux " enrichissez-vous ! " A partir de là tout s'est organisé dans ma tête et j'ai inscrit le déroulement et le décor de la pièce dans les années de leur fin de règne soit 1847-1848. Ce n'était donc pas un choix de hasard mais un choix de réflexion.

     

    S.A - Rappelez nous ce que fut cette affaire Teste Cubières évoquée dans la pièce ...

     

    R.P - Ce fut un scandale financier dans le milieu de la banque, un scandale dans la bourgeoisie louis-philipparde. Nous en avons connu beaucoup d'autres depuis.

     

    S.A -Avez-vous l'impression que les rapports amoureux d'aujourd'hui sont différents de ceux de cette époque ?

     

    R.P - Les sentiments de l'amour ne sont pas propres à une époque. Faire l'amour, exprimer plus ou moins librement nos moeurs, notre vie sexuelle ont connu une indéniable évolution. La liberté en ce domaine est un peu différente selon les époques. Mais quand le coeur accompagne le sexe, je crois qu'il y a des constantes dans la vie sentimentale des humains.

     

    S.A - Si l'auteur est là pour témoigner, ne doit-il pas le faire avec une certaine distance ? …

     

    R.P - Je n'ai jamais écrit pour passer le temps ou dans un seul souci de divertissement. Mais vous avez raison : le témoignage suppose lucidité et honnêteté. Une pièce n'est pas une profession de foi. On garde de la distance au théâtre en posant surtout des questions et non en donnant des réponses : questions à l'être humain, à la cité, à l'Histoire. On induit la réflexion du spectateur, on ne la dirige pas. Et on laisse à ses personnages une certaine liberté. Enfin, c'est la ligne que j'ai toujours essayé de suivre dans mes pièces de témoignages.

     

     

  • La brise-l'âme

    L' Harmattan, Théâtre des 5 continents, 2006

    la-brise.jpg 

     

    Deux femmes venues d'ailleurs ... à une époque indéfinie, attendent le retour d'un homme. Pour l'une c'est le fils et pour l'autre l'époux. Elles ont joint leur solitude et partagent le même domicile mais également travaillent ensemble - côte à côte - face au même engin de torture, dans une usine où règne ce que l'auteur nomme " le fascisme ordinaire " 

    Là, un petit chef nommé ironiquement : Galonard, va - par des sévices - se rembourser de sa médiocrité, lui dont le seul sens de la vie est le sens de l'échelle.

    Le fait hélas n'est pas exceptionnel puisqu'il y a des millions de galonards de part le monde. Le vocabulaire qu'il emploie est trivial et plus qu'à la limite du salace. 

    Il use et abuse de cette autorité qu'il croit légitime face à ces deux femmes sans défense. La présence quasi permanente de l'une à côté de l'autre étant le seul obstacle à ses desseins, il va donc chercher à les séparer. Une atmosphère pesante, presque nauséeuse est engendrée par cette situation à valeur d'impasse.

    Kaline trouvera la porte de sortie tandis que Lana n'aura plus que l'attente de Vic, son fils pour tenir bon en dépit de tout.

    L'auteur a voulu attirer notre attention sur ces destins bloqués, confisqués, vécus par  ces transfuges qui, privés de leurs racines brisent leur âme à exercer un métier inintéressant en un pays qui n'est pas le leur, victimes de ce nouveau colonialisme plus pervers que le premier puisque les bourreaux l' exercent en toute impunité, chez eux, sous la protection des lois.

    Cette pièce qui est le premier volet de son théâtre social intrigue et dérange ...

    Quand on interroge l'auteur sur ses motivations il finit par déclarer qu' il n'a jamais eu qu'un seul adversaire, le grand patronat ajoutant de façon imagée :  " car il (me) défèque sur le monde ... " 

    Or l'action se situait avant la mondialisation puisqu'elle fut écrite durant l'hiver 1974-1975 époque à laquelle certains n'avaient pas encore fait leurs preuves, du moins pas complètement.

     

    INTERVIEW de L' AUTEUR -

     

     S.A. - Robert Poudérou, en choisissant ce thème est-ce que vous ne vous retrouviez pas sur le terrain de chasse favori de Calaferte ? (la poésie en plus) En êtes-vous conscient ?

     

    R.P.  - J'ai beaucoup d'estime et même d'admiration pour Louis Calaferte mais je ne crois pas avoir subi son influence. La brise-l'âme a été écrite en 1975, trois ans après les aventures de Balu (diffusées sur France-Culture) qui était une sorte de conte pour les adultes, évoquant sur un ton  personnel (cela a été dit et écrit) les thèmes que j'allais développer dans d'autres pièces et notamment La brise-l'âme. Dans Balu, il était déjà question de l'immigration, du pouvoir, de la manipulation au travail, de l'argent. Dans La brise-l'âme il y a effectivement des éclats poétiques dans les dialogues des deux femmes quand elles sont dans leur logis et qu'elles s'enfièvrent au souvenir de l'homme qui les a quittées. Mais tout le reste est exprimé dans un langage sombre, âpre, trivial comme vous l'écrivez et qui nous fait entrer "  au coeur de la plus haute solitude.

     

    S.A. - Vous semblez prêter beaucoup d'importance aux didascalies dans votre théâtre, est-ce que je me trompe ? ...

     

    R.P. - Je ne crois pas qu'il y en ait tant que cela dans La brise-l'âme, dans mon théâtre d'une façon générale, lorsqu'elles sont présentes, c'est qu'elles m'ont parues nécessaires et précises.Je ne crois pas qu'elles soient une gêne pour les metteurs-en-scène. De toutes façons, ils ne les lisent pas, c'est ce qu'ils disent en tout cas.

     

    S.A. -  Je reste persuadée que vous avez voulu écrire une comédie sociale. Or si l'on se penche plus avant sur la pièce, c'est en réalité une tragi-comédie. Etes-vous d'accord avec cette perception ? 

     

    R.P. - Comédie sociale ou tragi-comédie ? … A la création au Théâtre de l'Oeuvre en 1978, on l'a présentée simplement comme une comédie dramatique. La limiter à une comédie sociale pouvait supposer qu'il s'agissait d'un traitement du thème dans le cadre du " réalisme social " et qu'il y avait tentation d'une démonstration;  or, je montre seulement ce qui est. Il y a des sentiments, l'ambiguité des personnages (ils ne sont pas manichéens) et ainsi nous avons une comédie dramatique portée parfois par l'angoisse des deux femmes jusqu'aux limites du fantastique. Et puis, il y a l'aliénation qui est une tragédie. Alors, tragi-comédie ? Oui, pourquoi pas.